L’un des très rares scientifiques au pays maitrisant les sciences de l’administration, du génie industriel et du génie forestier, Philippe Marier1, laisse sa marque dans nos forêts depuis près de quinze ans.
Après avoir travaillé dans l’industrie du logiciel, ce professionnel de recherche a rejoint le consortium de recherche FORAC (de la forêt au client), associé à l’Université Laval. Sa polyvalence lui a permis de collaborer étroitement au développement du premier modèle de gestion intégré de la production et des ventes dans le secteur du sciage, ainsi qu’à l’élaboration d’un modèle pour la planification du chargement du bois dans les wagons.
Récompensé au concours des OCTAS, en 2011, le Jeu du bois est une autre de ses grandes réalisations. « Cet atelier de simulation permet aux étudiants et aux entreprises de mieux comprendre les opérations logistiques du réseau forestier. Depuis quelques années, ce jeu est aussi utilisé dans une compétition internationale opposant des étudiants de plusieurs pays. J’en suis très fier! », dit-il.
Prolifique, Philippe Marier est à l’origine de plus de 28 publications scientifiques majeures, en plus d’être officiellement reconnu par l’Université Laval comme co-inventeur de trois modèles de planification, aujourd’hui largement utilisés dans l’industrie. Pour lui, rendre accessible la recherche pour les entreprises est un défi.
« Ma passion pour l’informatique m’a poussé, lors de mon premier mandat avec FORAC, à développer des modules de formation en ligne pour appuyer les PME forestières. C’est vraiment important pour moi qu’elles puissent bénéficier de notre recherche », précise-t-il.
Du labo aux banquises
Ayant participé à une douzaine de missions océanographiques, Joannie Ferland1 considère presque l’Arctique comme nouvelle terre pour elle. Son expertise de recherche – l’écologie du phytoplancton arctique – l’amène à partager son temps entre l’Université Laval et l’océan Arctique, où elle séjourne environ deux mois par année.
« Ces missions scientifiques visent à étudier les écosystèmes planctoniques. Le fait de pouvoir se rendre dans cette région difficilement accessible et de contribuer à l’avancement des connaissances entourant les effets des changements climatiques constitue une occasion unique. Je me sens très privilégiée », souligne-t-elle.
Joannie Ferland insiste sur l’importance de la préparation de ces expéditions scientifiques, car, une fois en mer, l’équipe doit se débrouiller par elle-même. C’est d’ailleurs elle qui prend en charge la logistique à bord des différents navires de recherche canadien, américain, français ou pour les camps sur la banquise. Elle assure aussi une part de l’échantillonnage sur le terrain en plus de gérer la conservation et le rapatriement des précieux échantillons recueillis. En résumé, elle agit comme personne-ressource.
« Chaque mission en Arctique amène son lot de défis, sans parler des délais occasionnés pour s’y rendre et faire revenir l’équipement. Il faut vraiment accomplir des petits miracles! », ajoute la professionnelle de recherche.
L’une de ses grandes sources de fierté : sa collaboration au projet Green Edge, en 2015-2016, en tant que chef de mission au camp de glace. « Nous avions établi notre poste de recherche à Qikiqtarjuaq, au Nunavut. Je devais m’assurer que la centaine de scientifiques, qui se relayaient sur les deux saisons, étaient en mesure de recueillir le maximum d’information de façon sécuritaire. Circuler sur la banquise au printemps, c’est tout un défi! Heureusement, notre équipe a pu compter sur le savoir-faire et les connaissances traditionnels inuits. »
Membre de l’Unité Mixte Internationale Takuvik2, Joannie Ferland a à cœur la valorisation des connaissances. En plus d’avoir participé à plusieurs conférences internationales, évènements grand public, documentaires et capsules éducatives, elle a aussi contribué à un grand nombre de programmes éducatifs et coorganisé plusieurs bars des sciences.
Des prix et des honneurs
Philippe Marier et Joannie Ferland ont été récompensés en 2017 par le Prix d’excellence des professionnels de recherche du Fonds de recherche du Québec. Ils se sont vu attribuer, respectivement, les 1er et 2e prix dans la catégorie Nature et technologies pour leur contribution à l’avancement des sciences.
Cette initiative, lancée en 2016, vise à reconnaitre la contribution des professionnelles et professionnels de recherche, notamment leur apport essentiel à l’innovation et aux découvertes scientifiques, à l’encadrement des étudiantes et étudiants universitaires, et à la gestion d’instruments ou de centres de recherche.
Des professions liées aux subventions
Tout comme leurs collègues professionnels de recherche, Joannie Ferland et Philippe Marier sont touchés par la précarité, leur emploi étant dépendant des subventions. Ce dernier se considère comme privilégié, car son groupe de recherche est financé depuis quinze ans. Il avoue que l’incertitude de sa profession est l’un des aspects les plus difficiles.
« Ce n’est pas facile, dans les périodes de renouvèlement, de toujours devoir se demander : “Est-ce que je vais avoir encore un emploi dans six mois?” Mais j’y reste, car j’adore mon travail et je profite d’une certaine liberté, ce que j’apprécie beaucoup », conclut-il.
1 Philippe Marier et Joannie Ferland sont membres du Syndicat des professionnelles et professionnels de recherche de l’Université Laval (SPPRUL-CSQ).
2 L’Unité est issue d’un partenariat entre l’Université Laval et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France.