Montréal, le 3 juin 2022. – Sous le titre « Radiographie de l’enseignement en ligne : un diagnostic pédagogique significatif », la Fédération du personnel de l’enseignement privé (FPEP-CSQ) a rendu publique aujourd’hui une étude scientifique qui confirme que l’enseignement à distance appauvrit la relation pédagogique entre une personne enseignante et ses élèves.
Cette recherche, réalisée à la demande de la FPEP-CSQ par Simon Collin, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), scrutait pour la première fois les raisons expliquant la diminution de la qualité pédagogique avec l’enseignement à distance. Forte de quelque 500 personnes participantes, cette étude révélatrice ne peut être ignorée : l’enseignement en ligne nuit au parcours éducatif des élèves d’âge scolaire.
Une relation pédagogique affectée
Grand constat : 93 % du personnel enseignant affirme que la relation pédagogique entre une personne enseignante et ses élèves sera toujours de meilleure qualité en présentiel qu’en ligne, et ce, peu importe le type d’enseignement en ligne utilisé.
Plusieurs raisons expliquent cette perception négative :
Chez les élèves, le personnel enseignant constate une perte de la motivation et du goût de l’effort. En étant « moins captifs » qu’en présentiel, les élèves ont une plus forte dispersion de l’attention. Les communications extrapédagogiques sont plus nombreuses via les réseaux sociaux. L’enseignement en ligne accentue les écarts entre les forts et les moins forts, entraîne une diminution de la socialisation, en plus d’augmenter le risque de problèmes de santé mentale et relationnels.
Pour répondre à cette nouvelle réalité, le personnel enseignant tente d’ajuster ses stratégies d’enseignement, mais les interventions personnalisées sont plus limitées. En étant dans une relation en ligne uniquement collective, le répertoire d’interventions pédagogique est diminué. Les caméras et les micros appauvrissent la lecture du paraverbal et du non-verbal des élèves. Il en résulte une difficulté accrue pour garantir la validité des évaluations, pour contrôler la relation entre les élèves et pour identifier des problèmes relationnels et de santé mentale. Ces réponses s’accompagnent d’un alourdissement de la tâche pédagogique.
Perte de sens pour le personnel enseignant
Le président de la FPEP-CSQ, Stéphane Lapointe, déplore donc que l’enseignement en ligne, tel que pratiqué au cours de la pandémie, ait entraîné un sentiment de perte du sens du métier pour plusieurs membres du personnel enseignant. « L’essence de la profession enseignante s’appuie sur les habiletés relationnelles, gage de la réussite éducative. En créant des liens significatifs et durables avec ses élèves, le personnel enseignant influence positivement les apprentissages. En ligne, la relation pédagogique n’a pas pu atteindre son plein potentiel. Pire, sa détérioration a eu des conséquences sur les inégalités scolaires », commente-t-il.
Une perte de sens du « métier d’élève »
Les enseignantes et les enseignants interrogés rapportent également une perte de sens du « métier d’élève », particulièrement visible lors de leur retour en présentiel. « Ces élèves ont éprouvé de la difficulté à se réadapter au fonctionnement de l’enseignement et de l’apprentissage en salle de classe. La perte des automatismes d’apprentissage et de l’effort nécessaire pour s’engager dans ce dernier sont des conséquences de l’enseignement en ligne », explique Marie-Josée Dallaire, vice-présidente de la FPEP-CSQ.
L’après-COVID-19 : la pédagogie avant tout
L’étude souligne l’importance, pour les directions d’établissement, de réfléchir à la mise en œuvre de l’enseignement en ligne et de ne pas l’imposer sans fondement pédagogique. Des considérations marketing ou des considérations organisationnelles sont insuffisantes pour justifier le recours durable à l’enseignement en ligne. L’étude formule des recommandations en ce sens : l’enseignement en ligne ne devrait pas être laissé à la seule responsabilité des directions ou des comités technopédagogiques, il devrait être évalué périodiquement afin de valider l’atteinte des objectifs pédagogiques et des espaces temps doivent être prévus pour garantir des interactions personnalisées.
Bien que ces recommandations atténuent les effets négatifs, il n’en demeure pas moins que l’enseignement en présentiel et l’enseignement en ligne ne sont pas équivalents.
Sans les conditions nécessaires, un non catégorique
Cette recherche scientifique rappelle que toutes les matières ne se prêtent pas à l’enseignement en ligne, que l’âge des élèves et leur capacité d’autorégulation des apprentissages sont critiques et que l’établissement de directives claires de la part des directions d’école et partagées par l’ensemble de l’équipe-école est nécessaire pour envisager le déploiement de ce type d’enseignement.
« Arrêtons de forcer le déploiement de l’enseignement en ligne en reproduisant le format mis en place pendant la pandémie. Tant que les conditions pédagogiques et les conditions de travail ne seront pas au rendez-vous, la FPEP-CSQ s’oppose fermement au recours à l’enseignement en ligne. L’enseignement en présence n’a aucun équivalent. Construisons demain sur des bases pédagogiques et non sur des visées marketing », concluent les leaders syndicaux de la FPEP-CSQ.
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