Le magazine s'est intéressé à notre voisin ontarien, qui a fait ce choix il y a 20 ans. Rencontre avec Rémi Sabourin, président de l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens.

Qu'est-ce qui a motivé la mise en place d'un ordre professionnel des enseignantes et enseignants en Ontario?

Rémi Sabourin : L'intention, au départ, était d'assurer la protection du public, en rendant le processus disciplinaire plus transparent. Auparavant, les syndicats veillaient à ce processus.

Quel rôle joue l'ordre professionnel aujourd'hui? Est-ce que cela correspond aux intentions de départ?

Rémi Sabourin : L'Ordre, aujourd'hui, c'est une « grosse machine ». Il compte plus de 240 000 membres qui, en cotisations annuelles, lui confèrent un budget de près de 40 millions de dollars. Il est régi par un conseil d'administration de 37 membres et compte 160 employées et employés.

Le rôle de l'Ordre est de protéger l'intérêt du public, notamment en règlementant la profession enseignante, en élaborant des normes d'admissibilité à la profession, en agrémentant les programmes de formation, en prévoyant la formation continue des membres, en gérant les certificats de qualification et d'inscription et en enquêtant sur les plaintes.

Toutefois, on n'a pas dû attendre longtemps pour qu'une volonté d'étendre ce mandat se fasse sentir. Au début des années 2000, l'Ordre a été chargé d'assurer le suivi d'un programme de perfectionnement professionnel obligatoire, instauré par le gouvernement.

Ce programme a été boycotté par le personnel enseignant, puis abandonné trois ans plus tard. Aujourd'hui, il n'y a pas d'obligation de perfectionnement professionnel et aucun compte à rendre à l'Ordre à ce sujet. Le personnel enseignant doit plutôt faire un plan annuel de perfectionnement.

Quelle a été la position de votre association lors de la création de l'Ordre?

Rémi Sabourin : La profession était déjà bien encadrée par divers lois et mécanismes d'évaluation. Les syndicats n'en voyaient donc pas l'utilité. Or, non seulement, l'Ordre n'était pas nécessaire, mais il a engendré certains problèmes. Par exemple, depuis 2012, à la suite des changements dans la gestion des dossiers de discipline, les conseils scolaires doivent communiquer toute mesure disciplinaire à l'Ordre, ce qui fait que les membres sont doublement « punis », d'abord par l'employeur et ensuite par l'Ordre.

Ces changements ont également entrainé une hausse significative des plaintes contre le personnel enseignant : en 2010, on en dénombrait 254, en 2015, on en comptait 490.

Est-ce que la présence de l'Ordre a contribué à valoriser la profession enseignante?

Rémi Sabourin : En fait, c'est la Fédération des enseignantes et enseignants de l'Ontario qui est la porte-parole du personnel enseignant et, donc, responsable de le représenter. L'Ordre n'a pas ce mandat, mais il est gourmand! Il cherche à ratisser large. Par exemple, il a récemment investi beaucoup d'argent dans une campagne promotionnelle de l'Ordre et de la profession.

Si vous aviez à dresser un bilan, quel serait-il?

Rémi Sabourin : D'abord, on ne peut pas dire que l'Ordre a été une plus-value. Ensuite, il a contribué à augmenter le nombre de procédures, donc à alourdir terriblement les processus. Enfin, tout cela a engendré une augmentation des dépenses en frais juridiques pour les syndicats qui défendent leurs membres auprès de l'Ordre.